Faire de l’économie circulaire le moteur du pacte industriel européen

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À l’heure où l’Union européenne vise la neutralité climatique, un pilier doit prendre toute sa place : l’économie circulaire. Non pas comme simple outil environnemental, mais comme condition de compétitivité, de résilience et de souveraineté industrielle. Or, malgré dix ans de politiques, le constat est amer : le taux de circularité des matériaux plafonne à 11,8 %, la consommation continue de croître et l’Europe est loin de ses objectifs 2030 – réduire de moitié son empreinte matérielle et doubler l’usage de matières recyclées.

Si nous persistons dans cette trajectoire, l’Europe manquera non seulement ses objectifs climatiques mais aussi l’opportunité de préparer son industrie à l’avenir. Il faut changer de cap et intégrer le réemploi, la réutilisation, la réparation et une gestion optimisée des matériaux et ressources au cœur de la politique industrielle européenne.

Le Clean Industrial Deal, nouvelle initiative phare de la Commission, offre cette chance. En donnant une dimension industrielle au Pacte vert, il vise à doubler l’usage de matériaux circulaires d’ici 2030. Mais cette promesse doit être transformée en actes, grâce à la future loi européenne sur l’économie circulaire prévue d’ici 2026.

La clé n’est pas seulement de recycler plus, mais surtout de consommer moins. Dans un monde de rareté et de compétitivité, dans le contexte géopolitique actuel, la gestion optimisée des ressources et matériaux devient une arme stratégique : moins dépendre des ressources vierges importées, c’est plus de souveraineté industrielle et moins d’impacts exportés ailleurs.

Problème : trop de règles européennes – des emballages aux normes du bâtiment – verrouillent encore le modèle linéaire. Résultat : des solutions innovantes, centrées sur le réemploi, la réutilisation et la réparation, restent bloquées au stade expérimental.

Les villes et régions, qui appliquent 70 % des législations et réglementations européennes, sont pourtant à la pointe. Elles inventent de nouveaux systèmes de réemploi et réutilisation, soutiennent la réparation et repensent la commande publique. Mais elles sont encore traitées comme exécutantes, pas comme co-architectes de la politique. Et faute d’accès aux financements européens, elles peinent à passer à l’échelle. Conséquence : un déficit de 27 milliards d’euros par an pour bâtir une économie circulaire à grande échelle.

La commande publique est l’un des leviers les plus puissants pour combler ce manque. Elle pèse plus de 14 % du PIB européen et pourrait créer une demande stable pour des biens et services circulaires. Mais aujourd’hui, les règles privilégient encore le prix immédiat plutôt que la performance sur tout le cycle de vie. Intégrer la durabilité, la réparabilité et la réutilisation permettrait de transformer les chaînes de valeur et de stimuler l’innovation.

Les petites et moyennes entreprises pionnières de la circularité, avec leurs modèles de réemploi, réutilisation, réparation, de location ou de partage, restent elles aussi freinées par des règles financières inadaptées. Les politiques fiscales doivent évoluer : favoriser les matériaux recyclés, taxer à leur juste coût environnemental les ressources vierges. Bref, aligner les incitations avec la réalité écologique.

Le nouveau cadre d’aides d’État du Clean Industrial Deal fait un pas dans la bonne direction en intégrant explicitement la circularité. Mais la stratégie reste fragmentée. Ce qu’il faut maintenant, c’est une vision globale des ressources : au-delà de la gestion des déchets, mettre les matériaux au centre de la résilience et de la compétitivité industrielles.

L’économie circulaire ne se résume pas au recyclage. Elle impose de repenser la conception, l’usage, la maintenance et le réemploi des produits dans l’électronique, le textile, l’automobile ou le bâtiment. C’est aussi un gisement d’emplois de qualité – réparation, reconditionnement, traçabilité numérique, intelligence artificielle appliquée aux cycles de vie. Elle peut réduire les coûts, sécuriser les approvisionnements et permettre à l’Europe d’atteindre ses objectifs climatiques sans délocaliser ses impacts.

Pour réussir, l’Europe doit passer des projets pilotes dispersés à une véritable stratégie industrielle circulaire : avec des normes harmonisées, une commande publique repensée et des financements orientés vers le recyclage, le réemploi, la réutilisation et la réparation. C’est à ce prix que nous pourrons enfin boucler la boucle – dans les politiques comme dans les pratiques.

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